• Auteur : Lawrence Lessig
  • Date : 29 octobre 2004 (21 février 2005)
  • Licence : Creative Commons BY-NC-SA link_license
  • Site : URL d’origine du document

« Aussi éloigné de la réalité que la version du Bossu de Notre-Dame de Disney est éloigné de Victor Hugo »

Le nouveau livre de Florent Latrive, journaliste à Libération et coéditeur de « Libres enfants du savoir numérique », vient de sortir et s’intitule « Du bon usage de la piraterie - Culture libre, sciences ouvertes » (Éditions Exils, 18 euros).

En voici la présentation en quatrième de couverture :

Dans cet essai très documenté, Florent Latrive met à jour les enjeux de la bataille en cours autour de la propriété intellectuelle. Qu’il s’agisse de musiques ou d’images en ligne, de circulation des savoirs ou des brevets sur les médicaments, il plaide pour une ouverture raisonnée et contre le tour juridique. Au lieu de criminaliser tous les « pirates » sans distinction, établissons un régime équilibré de l’immatériel. Où créateurs et public ne seront plus soumis aux diktats des intermédiaires et producteurs.

Le livre est sous licence Creative Commons BY-NC-SA. Il est disponible en téléchargement sur le site dédié à l’ouvrage mais il est aussi est surtout disponible chez votre libraire le plus proche !

Nous vous proposons ici l’intégralité de la préface du livre, signée Lawrence Lessig, professeur de droit à l’Université de Stanford (Californie) et président du conseil d’administration de Creative Commons.

C’est un mouvement sorti de nulle part, mais qui est désormais présent partout dans le monde. C’est un mouvement qui vise à modifier dans l’esprit d’un public oublieux une idée familière et confortable. Cette idée veut que la propriété doit être protégée, que la culture et la connaissance peuvent être appropriées, et qu’en conséquence la culture et la connaissance doivent être protégées de la même façon que nous protégeons n’importe quelle propriété. Comme l’a résumé l’ex-président de la Motion Picture Association of America Jack Valenti : « Les titulaires de droits de propriété intellectuelle doivent se voir accorder les mêmes droits et la même protection que tous les autres propriétaires... »

Durant ces dernières décennies, cette vision erronée était inoffensive. Avec l’émergence des technologies numériques, il est désormais indispensable de la combattre. Car si ces technologies permettent un extraordinaire bouillonnement créatif et facilitent la circulation des savoirs, elles peuvent aussi être utilisées pour restreindre et contrôler la culture et la connaissance d’une façon qu’aucune société libre n’a jamais tolérée jusque-là.

L’idée reçue commune à propos de la culture et de la connaissance n’a en fait rien à voir avec la propriété. Ce mouvement n’est pas réuni autour de l’idée que la propriété est mauvaise, ou que « la propriété, c’est le vol ». L’erreur provient plutôt d’une confusion sur la manière dont la culture et la connaissance sont protégées à travers la propriété. Aucun doute que le copyright (que l’on distingue du droit moral) puisse être acheté et vendu. Aucun doute qu’un brevet donne à son titulaire un droit exclusif d’utiliser l’invention découverte. Mais ces attributs de contrôle ont historiquement toujours été équilibrés par d’importantes limites. Nous protégeons l’expression par un droit exclusif avec le copyright, mais pas les idées. Nous protégeons ce droit pour un temps limité, mais pas à perpétuité. Nous protégeons ce droit contre certaines indignités, mais pas contre la critique ou les injures. Nous protégeons, certes, mais nous maintenons l’équilibre avec une valeur bien plus fondamentale de nos sociétés, avec la conviction que la connaissance et la culture doivent se disséminer le plus largement possible.

C’est cet argument qui doit porter. Il doit partout éclairer les consciences. Cela ne sera pas fait d’une seule manière et de façon universelle. Bien que les valeurs de libertés qu’il reflète soient universelles, les moyens par lesquels ces valeurs seront défendues sont particulières à chaque peuple et à chaque culture.

Ce livre important de Florent Latrive tout à la fois enseigne et met en œuvre ces valeurs de liberté. À travers une explication détaillée des origines et de la nature de ce que l’on appelle désormais « propriété intellectuelle », Latrive aide à la replacer dans un contexte social plus large. Et en rendant son texte disponible librement sous une licence Creative Commons [1], il démontre la valeur des arguments qu’il défend. Il y a dans ce livre certaines idées qui sont celles de Latrive. Elles sont bâties sur le travail de beaucoup. Et en rendant son travail librement disponible, il s’assure que d’autres pourront aussi s’appuyer sur ces idées.

Peu de gens pourraient ne pas être convaincus par les arguments développés ici, dans un monde où la raison serait la seule force qui compte. Mais il s’agit d’un combat qui dépasse de beaucoup la seule raison. Il y a des intérêts très puissants qui sont menacés par les vérités que ce livre expose. Ils ont répondu à cette menace en poussant les gouvernements partout dans le monde à protéger toujours plus leurs business models.

Nous devons aider d’autres gens à réaliser que la liberté n’est pas l’anarchie. Qu’affirmer la liberté intellectuelle et culturelle n’est pas nier le rôle de la loi dans la protection des artistes et de leur créativité. Le choix binaire présenté par Hollywood est aussi éloigné de la réalité que la version du Bossu de Notre-Dame de Disney est éloigné de Victor Hugo. Laissons la vérité subtile de ce puissant message trouver d’autres voix encore en France, et partout dans le monde. Car la vérité n’a jamais eu d’autre force que les voix puissantes qui la défendent.

Lawrence Lessig

Commentaires

<< Poster un message >>
:: question :: précision :: avis :: commentaire :: bug ::

> « Aussi éloigné de la réalité que la version du Bossu de Notre-Dame de Disney est éloigné de Victor Hugo » , le 6 novembre 2004 (0 rép.)

on devrait aussi expliquer aux gens le vrai sens de l’anarchie...

Répondre à ce message

Titre de l’article ?? , le 31 octobre 2004 par Tonton (2 rép.)

Je dois avouer que je ne comprends pas bien le titre de cette news. l’article semble favorable au livre alors que le titre semble le dénigrer. Aurais-je raté quelque chose ?

A part ça, lisez ce livre, c’est important.

> Titre de l’article ?? , le 2 novembre 2004 par Marmot

Je pense que le rédacteur n’aurait pas du couper la phrase et garder le "Le choix binaire présenté par Hollywood est aussi"

> Titre de l’article ?? , le 2 novembre 2004 par aKa

Aurais-je raté quelque chose ?

Non, non. Vous n’avez rien raté.

Le titre est malheureux j’en conviens. Le genre d’accroche publicitaire facile et source effectivement de confusion.

Disons que comme tout le monde parlait du livre de Florent Latrive, j’ai cherché un angle différent mais a posteriori ce n’était pas une bonne idée.

Je ferai mieux la prochaine fois.

Répondre à ce message

> « Aussi éloigné de la réalité que la version du Bossu de Notre-Dame de Disney est éloigné de Victor Hugo » , le 29 octobre 2004 par valentin.muller (0 rép.)

Ce savoir à partager n’est-il pas aussi la propriété des esclaves (africains par exemple) qui ont permis à tant de scientifiques et d’ explorateurs d’enrichir les pays qui aujourd’hui vendent à leurs descendants les fruits de leur travail mais aussi le fruit de la liberté que ce même esclavage leur a donnée pour réaliser ce travail et le profit qu’ils en ont fait.

juste retour des choses : voir commerce équitable pour ne pas recommencer ce cycle infernal

Répondre à ce message

> « Aussi éloigné de la réalité que la version du Bossu de Notre-Dame de Disney est éloigné de Victor Hugo » , le 29 octobre 2004 par Treanna (0 rép.)

"Comme l’a résumé l’ex-président de la Motion Picture Association of America Jack Valenti : « Les titulaires de droits de propriété intellectuelle doivent se voir accorder les mêmes droits et la même protection que tous les autres propriétaires... »"

Peut-on alors comparer les auteurs à des propriétaires de maisons et les éditeurs à des municipalités.

Pourtant cette comparaison est intéressante car jusqu’à présent les municipalité n’empochent pas d’argent pour protéger les habitants - propriétaire bien sûr - de leurs villes.

Répondre à ce message

Informations complémentaires

Faire un don ? (défiscalisé)

Aidez-nous à atteindre notre objectif de 1080 donateurs récurrents pour assurer notre pérennité et notre développement !

Je soutiens Framasoft
pour 10€/mois

Informations générales

Juste une image

Pennsylvania Ave - Old Post Office to the Capitol at Night Pennsylvania Ave - Old Post Office to the Capitol at Night
Creative Commons BY-SA